« Les tiers-lieux culturels. Chronique d’un échec annoncé », commentaire de l’article de Raphaël Besson

people in a coffeeshop

Les tiers-lieux culturels seraient-ils voués à l’échec, comme l’annonce l’intitulé de l’article de Raphaël Besson ? Derrière un titre, certes, volontairement provocateur, l’auteur tente de définir une tendance de fond, et de nous mettre en garde contre un optimisme naïf lié à la multiplication des tiers-lieux sur le territoire et à leur capacité d’attirer et de transformer le rapport des individus à la culture.

Ouverts au public, les tiers-lieux culturels créent un lien entre les acteurs de la culture sur tout le territoire : les bibliothèques, les friches culturelles (La Belle de Mai à Marseille, Le CentQuatre à Paris, les Halles du Faubourg à Lyon…), les Living Labs, Fab Labs ou Learning Labs déployés au sein d’universités en sont quelques exemples.

Cette analyse des tiers-lieux culturels est moins fondée sur une étude de terrain que sur une revue de bibliographie, et ouvre à ce titre des pistes de réflexion. Elle sensibilise les acteurs concernés aux points de vigilances à prendre en compte pour rendre effectif l’effet positif attendu des tiers-lieux culturels.

Elle pose la question d’un vérification terrain de ce genre d’hypothèse et notamment la capacité de mettre en place de vraies évaluations (évaluation ex post) des effets sociaux mis en œuvre.

Définition d’une nouvelle notion : le « tiers-lieu culturel » comme qualification d’un phénomène

L’hypothèse formulée par l’auteur est que nous assistons à l’émergence et au développement d’une nouvelle catégorie de tiers-lieux : les tiers-lieux culturels.

Le tiers-lieu se définit comme un espace ouvert, hybride, créant un espace tiers (d’où son nom) entre le domicile et le travail, et qui facilite la rencontre entre des acteurs hétérogènes et des ressources multiples (Ray Oldenburg, 1989).

A l’inverse, le tiers-lieu culturel serait « un espace hybride et ouvert de partage des savoirs et des cultures, qui placent l’usager (le visiteur, le lecteur, l’étudiant, le spectateur…) au cœur des processus d’apprentissage, de production et de diffusion des cultures et des connaissances ». L’ambition associée au tiers-lieu est « non seulement de placer les citoyens dans une position active, au cœur des politiques culturelles et du fonctionnement des lieux de savoirs, mais aussi de dépasser des antagonismes structurants entre science et savoirs, culture numérique et culture écrite, société de la connaissance (les communs) et économie de la connaissance (le marché) ».

Les lieux culturels dits « classiques », comme les bibliothèques, connaissent alors un processus global de mutation. Ils s’ouvrent en effet à d’autres activités qui ne sont pas forcément liées à la production culturelle ou la sphère des connaissances stricto sensu. Viennent alors s’implanter services publics, espaces de coworking, activités associatives et de loisirs.

 

L’ambition associée au tiers-lieu est (…) « de dépasser des antagonismes structurants entre science et savoirs, culture numérique et culture écrite, société de la connaissance (les communs) et économie de la connaissance (le marché) »

 

Cette transformation est rythmée par la volonté de coller aux besoins, aux usages et aux savoirs des nouveaux usagers (lecteurs ou visiteurs de passage), sous l’effet de phénomènes extérieurs : développement et mutations du numérique, nouvelle économie de la connaissance, rigidité des finances publiques, perte d’attractivité de certaines bibliothèques…

Un phénomène regroupé autour de cette notion

Pour les bibliothèques, quelques exemples de mutations observées mis en avant par Raphaël Besson permettent de confirmer sa théorie :

 

L’auteur pose le constat que « ces bibliothèques troisième lieu se définissent moins comme des lieux de consultation d’ouvrages et de pratique ascétique des savoirs, que comme des espaces de rencontre et de sociabilité ». En effet, la multiplicité de ces nouveaux lieux culturels s’inscrit dans une logique de sortie d’une vision élitiste et de diffusion – d’un émetteur sachant à des récepteurs / consommateurs passifs –, pour investir le champ de la vie quotidienne et permettre à chacun de s’approprier la culture et d’être un acteur impliqué dans son apprentissage, sa production et sa diffusion.

Comme le dit Raphaël Besson, la connaissance qui crée de la valeur est donc celle qui est effectivement « vivante et vécue ». Les tiers-lieux culturels seraient donc des lieux de diffusion et également de production de la culture scientifique. C’est le cas de Muséomix, exemple mis en avant par l’auteur pour refléter une vision dynamique du patrimoine culturel.

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